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Photo : Radio-Canada/François Gagnon

Le 31 octobre dernier, le Ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, monsieur Luc Blanchette, dévoilait le plan de travail adopté par les partenaires du Forum Innovation Bois. Un plan comprenant quatre axes et une quarantaine de mesures afin de stimuler l’innovation dans le secteur forestier. Les mesures mises de l’avant visent à confirmer le bois comme matériau par excellence pour la lutte aux gaz à effet de serre, tout en assurant une gestion durable de cette ressource renouvelable.

Parmi les acteurs appelés à contribuer au succès de ce plan, les ingénieurs forestiers tiendront une place importante. En effet, selon le ministre Blanchette : « le Gouvernement, [par ce plan] adopte une approche en matière de production de bois de façon à ce que le secteur forestier devienne un pôle de création de richesse. Il importe de s’assurer que chaque mètre cube de bois transformé soit gage de rentabilité pour les entreprises et de bénéfices économiques pour l’État ».

L’ingénieur forestier est sans l’ombre d’un doute interpellé par cette vision puisque l’ensemble des partenaires a signalé « l’importance de l’approvisionnement en termes de disponibilité, de coût et d’intégration avec les entreprises engagées dans les activités de récolte ». Ajoutons que la notion de qualité des bois a également été mentionnée durant le Forum. La production de matière ligneuse à court, moyen et long terme, relève de l’ingénieur forestier. Il est d’ailleurs à signaler qu’une des mesures du plan est de donner le « mandat au Forestier en chef d’identifier les mesures permettant d’augmenter la prévisibilité pour l’industrie. Cette mesure vise également à stabiliser les approvisionnements, voir à les augmenter et à mieux prendre en compte l’aspect économique du développement durable ». Ici, non seulement le Forestier en chef et son équipe sont appelés à innover, c’est toute la communauté des ingénieurs forestiers qui doit se sentir interpellée.

Sur ce plan cependant, je considère important de rappeler à monsieur Blanchette que l’ingénieur forestier doit pouvoir bénéficier de toute la latitude voulue dans le cadre de sa pratique et cela veut aussi dire la prise en compte de ses avis et conseils professionnels. En effet, il ne faudrait pas se surprendre qu’une recherche de rentabilité, qu’elle soit financière ou économique, engendre une réduction du volume récoltable. Il faudra donc que le Gouvernement, de même que tous les acteurs du milieu, restent à l’écoute.

Depuis trop longtemps, notre foresterie s’est pratiquée dans une logique de volume où d’importantes sommes ont été investies en sylviculture alors que leur contribution économique n’était pas démontrée, avec pour effet que la possibilité forestière biophysique n’a jamais été entièrement récoltée. Les causes en ont été multiples, mais à plusieurs reprises, il a été noté que des essences ne trouvaient pas preneurs ou encore que certains peuplements étaient trop coûteux à récolter.

Pour créer une richesse de manière durable, il faudra donc accepter de remettre en question certains paradigmes, tel que celui de la maximisation du rendement soutenu biophysique en volume, qui ne tient pas compte des marchés et des besoins industriels. Cette remise en question est nécessaire si on souhaite arriver à créer de la richesse de manière durable.

En conclusion, je souhaite que tous les ingénieurs forestiers apportent leur contribution et surtout qu’ils bénéficient d’une oreille attentive. En retour, ceux-ci devront dorénavant intégrer dans leurs réflexions toute la complexité qu’implique la recherche de l’équilibre entre l’offre et la demande. Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas de satisfaire une industrie en dilapidant notre patrimoine forestier. Au contraire, il s’agit de trouver le juste équilibre entre ce que la forêt peut produire de manière rentable, en quantité et en qualité, afin qu’elle contribue à la prospérité de l’industrie, même si cela signifie une baisse de la possibilité forestière.

Je crois fermement qu’il est préférable d’avoir une industrie en santé et à la mesure de notre capacité de production, qu’une industrie constamment mise en danger par l’incertitude que provoque un approvisionnement instable, coûteux et de qualité inadéquate par rapport aux marchés. Avec cet objectif en tête, nous pourrons également investir les budgets sylvicoles dans une mesure appropriée et là où ils compteront.