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Au printemps 2017, la Vérificatrice générale du Québec (VGQ) publiait un audit de performance concernant les travaux sylvicoles réalisés en forêt publique. En réponse à cet audit, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a produit et adopté, quelques mois plus tard, un plan d’action en 37 points afin de diminuer les écarts entre la situation actuelle et celle souhaitée. Ce plan a d’ailleurs fait l’objet d’un débat en Commission parlementaire, le 7 février dernier.

Lors de la sortie de l’audit de la VGQ, l’Ordre s’était montré très préoccupé par les lacunes soulevées et avait annoncé qu’il suivrait de près ce dossier. Nous avons donc analysé le plan d’action du MFFP et suivi en direct les audiences de la Commission parlementaire. Le plan a également fait l’objet de discussions à la table MFFP-OIFQ. Dans l’ensemble, les réponses que nous avons obtenues nous ont permis de clarifier plusieurs points et nous souhaitons les partager.

Les cibles et indicateurs de la Stratégie d’aménagement durable des forêts (SADF)

Dans son audit, la VGQ signalait, à juste titre selon nous, que des cibles et indicateurs figurant à la SADF étaient flous ou manquants. En réponse à la situation, le MFFP propose une révision quinquennale de ceux-ci. Nous avons reçu l’assurance du MFFP que des cibles et indicateurs seraient précisés, voire ajoutés lors de la prochaine révision.

La réalisation des traitements du scénario sylvicole et le suivi de leur succès

Des lacunes concernant le suivi du succès des travaux et scénarios sylvicoles ont été soulevées dès le début des années 2000 par le VGQ, puis repris par le Forestier en chef (FEC) et par l’Ordre. C’est le sujet qui nous interpelle le plus puisqu’il existe là un lien direct avec la pratique professionnelle, la protection du public et du patrimoine forestier. Le plan d’action du MFFP indique que des méthodes seront développées ou révisées et que des bilans seront réalisés, mais il n’est fait mention d’aucune cible concernant le niveau de réalisation et de suivi des travaux sylvicoles. Après discussions, le MFFP nous a confirmé avoir comme cible de faire le suivi de 100% des superficies traitées et de réaliser les traitements prévus afin d’assurer le succès des scénarios sylvicoles planifiés.

Le MFFP nous indique cependant qu’il est en réflexion concernant le système de gestion des données récoltées lors des suivis. Nous estimons que les bases d’un tel système existent déjà. Selon nous, un suivi minimal doit comprendre, outre la localisation géographique des travaux et les caractéristiques écologiques des sites, l’historique des traitements et les caractéristiques dendrométriques de base (composition, stocking, hauteur, diamètre) avant et après traitement de même qu’au moment du suivi. Il s’agit là d’informations que les forestiers maîtrisent très bien et pour lesquelles des bases de données ont régulièrement été développées. De l’avis de l’Ordre, l’implantation d’un tel système devrait se faire aisément et être mis rapidement à la disposition des forestiers.

La rentabilité des traitements et la répartition des budgets

Bien que des sommes considérables sont investies en sylviculture et que des outils informatiques sont disponibles depuis plusieurs années, force est de constater que l’analyse économique en aménagement forestier tarde à s’implanter. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Mentionnons notamment l’incertitude quant aux effets de certains traitements et l’incertitude concernant la valeur des produits. L’incertitude fait déjà partie du quotidien de l’ingénieur forestier. Nous n’hésitons pas à réaliser des analyses de sensibilité ou à poser des hypothèses dans le cas des risques de feux et autres perturbations naturelles. Nous devons être en mesure de faire de même pour les rendements et les valeurs. L’Ordre estime que ces analyses font partie intégrante des compétences de l’ingénieur forestier et sont nécessaires pour assurer une gestion rigoureuse et durable des ressources du milieu. Bien entendu, ces analyses constituent la base d’une allocation efficiente des budgets sylvicoles. Avec son plan d’action, le MFFP émet clairement sa volonté d’intégrer les analyses économiques au processus de planification. Le plan précise qu’un réseau d’experts en analyse économique sera complété. Mais au-delà de ces experts, c’est toute la communauté forestière qui doit également emboîter le pas afin d’assurer le succès de cette implantation.

Le transfert de connaissances

Dans son rapport, la VGQ relevait également que les nouvelles connaissances en sylviculture et en aménagement forestier souffraient d’un manque de transfert, donc de mise en pratique. Dans son plan d’action, le MFFP compte assurer un transfert adéquat de 100% des connaissances développées en recherche qui sont nécessaires aux ingénieurs forestiers pour assurer un aménagement durable des forêts. Il s’agit d’un objectif louable, mais ambitieux. Pour atteindre cet objectif, le MFFP mène actuellement un exercice d’identification des connaissances essentielles devant être déployées dans son organisation et auprès de ses clientèles. Nous devrions être en mesure d’en connaître bientôt les résultats, ce qui nous permettra d’évaluer l’ampleur du défi.

La gestion contractuelle

Plusieurs lacunes avaient été signalées en regard de l’octroi des contrats pour la mise en œuvre des travaux sylvicoles. Bien que ces éléments soient d’un intérêt certain pour tous les intervenants, l’Ordre estime que ces éléments ne sont pas directement en lien avec sa mission de protection du public par rapport à la surveillance de la pratique professionnelle.

En conclusion

Les travaux sylvicoles préparent la forêt que nous léguons aux générations futures. Ils contribuent à une foresterie durable et créatrice de richesse. Pour nous assurer de respecter nos engagements envers la population et lui garantir que son patrimoine est bien géré, les ingénieurs forestiers doivent disposer de tous les outils nécessaires : ressources humaines et budgétaires, connaissances de pointe, informations sur l’état de la forêt, etc.

En mettant en place son plan d’action, le MFFP se donne les outils qui, souhaitons-le, permettront de faire une reddition de comptes adéquate à la population en ce qui a trait aux efforts sylvicoles déployés dans les forêts de l’État. Il faut noter que ce plan s’échelonne sur trois années et que la VGQ fait désormais le suivi de ses audits et l’évaluation des plans d’action annuellement. Il reste donc deux ans au MFFP pour s’y conformer. Nous continuerons de suivre l’évolution de la mise en œuvre du plan d’action afin de nous assurer que les travaux sylvicoles soient réalisés avec succès et pour le bénéfice de toute la société québécoise.